16 janv. 2009

Angoulême c'est pour bientôt!...



Et oui Angoulême va ouvrir ses portes fin janvier, chic! C'est l'occasion de tirer un coup de chapeau à deux ou trois petites BD choc. Parmi lesquelles le très sobre Je mourrai pas gibier (même s'il ne fait pas partie de la sélection officielle). On doit cet album suffocant au bédéiste Alfred qui a adapté le roman de Guillaume Guéraud (sorti en 2006 aux éditions du Rouergue dans une collection pour adolescents DoAdo Noir). La bande dessinée relate le basculement d’un jeune garçon, Martial. Il vit dans un petit village à l’ambiance délétère, et il va « péter un plomb » en tuant huit personnes lors d’une cérémonie de mariage.
D'entrée de jeu, on pense aux tueries des écoles américaines comme on les a vues dans Eléphant de Gus Van Sant ou dans Bowling for Colombine de Michaël Moore. Ici c’est moins la tuerie qui est explorée que ce qui a poussé ce garçon doux et amical a posé un geste comme celui-là. Nulle volonté de le défendre mais de montrer à quel point le contexte sociologique peut s'avérer un élément déclencheur incontestable (C’est en tout cas le parti pris de l’auteur). C'est une BD grandiose de justesse même si ce n’est pas rose bonbon, on s’en doute...
Je mourrai pas gibier, Alfred, Delcourt, collection Mirages

LES PAGES ROSES, Teodoro Gilabert, Buchet Chastel



Quel élégant premier roman que celui de Teodoro Gilabert ! L’auteur est un passionné des langues classiques et il nous raconte comment la découverte des pages roses du Petit Larousse illustré (ces fameuses pages de citations latines) a profondément influencé sa vie. Outre son amour des langues anciennes, il évoque avec passion: les films de Godart, Marilyne Monroe ou encore la méthode Coué qu’il essaie tant bien que mal d’appliquer à l’enseignement (ce qui nous vaut quelques pages savoureuses). Le roman est bourré d’humour et d’érudition – sans que cela ne soit jamais pesant ou tape-à-l’oeil. Beaucoup de dérision et de désinvolture donc dans ce petit bijou.

MON ROI MON AMOUR, Robert Pagani, Table ronde



À 74 ans, le Suisse Robert Pagani, traducteur-interprète à l’ONU, publie un premier roman tendre et drôle inspiré de l'attentat commis en 1906 à Madrid sur le parcours du cortège du mariage du roi d'Espagne, Alphonse XIII. A quoi songe la jeune Victoire-Eugénie de Battenberg assise dans le carrosse royal en ce 31 mai ? Elle a quitté sa Grande-Bretagne natale pour devenir reine d’Espagne. Qu’est-ce qui peut bien lui passer par la tête ? En fait, un chose surtout l'obnubile: un besoin qui se fait de plus en plus pressant! Elle ne pourra jamais se retenir jusqu’au Palais... Elle s’inquiète aussi de ce qui l’attend après les festivités, ce soir quand elle sera seule avec son nouvel époux. Pendant que le carrosse avance au milieu de la foule, Fernando, un jeune anarchiste pense avec appréhension au moment où il va devoir jeter la bombe. Heureusement pour la couronne, il est maladroit. L’explosion tue beaucoup de gens mais le couple royal est sain et sauf. Le dîner peut avoir lieu. Avant que le roi et la reine ne se retrouvent enfin seuls…

PALESTINE, Hubert Haddad, Zulma

Auteur foisonnant, Hubert Haddad signe cette année un magistral roman qui a reçu en octobre le Prix des Cinq Continents. L’histoire est celle de Cham, un jeune soldat israélien, capturé par un commando palestinien. Laissé pour mort, il est recueilli à Hébron en Cisjordanie par une veuve et sa fille, Falastin. Amnésique et sans papiers, Cham va prendre l'identité de Nessim, le frère mort de Falastin, auquel il ressemble trait pour trait. D'Israélien, il va donc devenir Palestinien… Le livre d’Hubert Haddad est un récit fondamentalement humaniste qui prône la nuance et dénonce les excès des deux camps dans le terrible conflit israélo-palestinien. D’un point de vue strictement narratif, le roman nous entraîne dans une intrigue qui est intelligemment menée, il y a une belle intensité dramatique portée par une écriture poétique qui charrie beaucoup d’émotion. Et puis le changement d’identité du héros permet une belle histoire d’amour : un amour impossible à la Roméo et Juliette, non pas entre deux familles ennemies mais entre deux peuples ennemis.

LE SOLILOQUE DE L’EMPAILLEUR, Adrien Goetz et Karen Knorr, Le Promeneur

Voici un ovni dans le paysage littéraire. Adrien Goetz est surtout connu pour ses romans historiques (autour de la peinture le plus souvent) comme La Dormeuse de Naples, Une petite légende dorée ou plus récemment Intrigue à l’anglaise. Il s’associe ici avec la photographe et plasticienne allemande Karen Knorr pour réaliser cet ouvrage raffiné paru aux Editions le Promeneur dans la collection le Cabinet des Lettrés (fort jolie collection soit dit en passant, que l’on doit à Patrick Mauriès). Le livre présente des photographies animalières réalisées dans les salons du musée français de la Chasse et de la Nature. On est donc un peu surpris au départ en feuilletant l’ouvrage : on découvre des photos de cerfs en train de se battre sur un parquet en point de Hongrie ou d’un lièvre tapi devant une cheminée Louis XVI !... Et puis en lisant la nouvelle, on comprend mieux : le narrateur est un vieil empailleur qui raconte l’histoire de sa vie et de son amour pour l’artisanat de haut vol (puisqu’il est considéré comme l’un des meilleurs naturaliste de son temps). Le bonhomme au demeurant est plutôt sympathique. Le récit est stylisé. Jusque là on se régale. Et puis, l’air de rien, le texte bascule vers l’irrémédiable. Adrien Goetz manie ici le suspense avec brio et suggère magistralement l’horreur...

MA DOLTO, Sophie Chérer, Stock (collection bleue)


Ma Dolto est une sorte de biographie subjective qui a l’avantage de ne pas respecter la chronologie, de faire des allers-retours entre vie privée et vie publique, et d’offrir par ailleurs une écriture dynamique et vivante. Sophie Chérer revisite l’image trop lisse qu’on a parfois de Françoise Dolto : Chérer ne se gêne pas pour prendre parti ; elle ne cache pas certains échecs de la psychanalyste. Elle est convaincue qu’on lit mal Dolto, qu’on s’est souvent trompé sur son compte. Ma Dolto a donc le mérite de donner envie de lire (ou relire) l’œuvre de Françoise Dolto.

BAMBI BAR, Yves Ravey, Editions de Minuit

Autant le dire tout de suite, le neuvième roman d’Yves Ravey, Bambi bar, paru aux éditions de Minuit, est un roman assez surprenant parce que le personnage principal, un certain Léon Rebernak, apparaît au départ comme un voyeur, un type louche. Il semble être la crapule de l’histoire. Mais au fur et à mesure que l’intrigue avance et qu’on suit les péripéties qui ont lieu dans ce dancing malfamé (en fait un peep-show qui emploie des mineures, le « Bambi bar »), on se rend compte des enjeux et on comprend qui est qui… On est par ailleurs soumis à une tension magistralement amenée par l’auteur qui évoque sans concession l’exploitation des filles venant de l’Est. La narration est glaciale, aucun sentiment ne transparaît jamais, tout se joue dans la distance, et du coup l’implicite prend une place énorme. Belle maîtrise de la part d’Yves Ravey…

LES PETITS ARRANGEMENTS, Claude-Inga Barbey, D’autre part

Claude-Inga Barbey est une auteure suisse qui a déjà publié plusieurs recueils de nouvelles et qui publie en 2008 son premier roman, Les Petits arrangements. Elle nous fait toucher au désarroi d’une jeune femme qui est abandonnée par Ulysse, l’homme qu’elle aime. Malgré le tsunami que ce départ représente pour elle, petit à petit Gilda va découvrir qu’un après est possible. Le roman présente une approche très psychologique et met le doigt sur tous ces petits arrangements qui permettent de s’en sortir. Le lecteur est aussi et surtout rapidement sous le charme des portraits : celui de Gilda, celui d’Ulysse et celui de Simon, leur fils. A souligner aussi le subtil parallèle qui est fait entre l’histoire de Gilda et l’Odyssée: au début du livre, Gilda écoute une version audio du mythe fondateur. C'est ainsi que Gilda devient Pénélope et le petit Simon devient Télémaque… Tout sonne juste dans ce roman sensible et intuitif. Seul bémol, le livre n’est pas toujours facile à trouver en librairie (mais il est toujours possible de le commander…)

COMME UNE MÈRE, Karine Reyssset, Olivier

Quatrième roman de Karine Reysset, Comme une mère met en scène deux femmes : Emilie, une très jeune fille qui accouche sous X et Judith, une femme beaucoup plus âgée qui perd son enfant à la naissance après plusieurs grossesses déçues. Judith vit très mal ce nouvel échec et dans un moment d’égarement, elle kidnappe le bébé d’Emilie. Très vite, les autorités font le lien et retrouvent l’enfant : l’histoire pourrait s’arrêter là. Seulement l’auteure, Karine Reysset, a plus d’un tour dans son sac et va entreprendre de lier le destin de ces deux femmes pour le pire ou le meilleur. Derrière le style fluide et efficace, il y a un petit côté tranchant qui frappe juste où ça fait mal.

EMILY OU LA DÉRAISON, Jean-Pierre Milovanoff, Grasset

Jean-Pierre Milovanoff a à son actif une bibliographie impressionnante puisqu’il a écrit des romans, des pièces de théâtre, des essais et des recueils de poésie. Il a également reçu de nombreux prix au cours de sa carrière : le prix France Culture en 96, le prix Goncourt des Lycéens en 97 et le prix des libraires en 99. Il nous revient cette année avec un roman, Emily ou la déraison, paru chez Grasset. En deux mots, l’histoire conte la vie d’un frère et d’une sœur. Ou plutôt l’extrême protection de la sœur par le frère puisque la jeune fille a complètement sombré dans la folie. Pas dans une folie tempétueuse, on est loin de cela. Ici c’est une démence sage, une distance par rapport au monde et aux êtres. Le frère qui est un peu son ange gardien balance entre sa volonté d’avancer dans la vie et le poids mort que représente sa sœur malade. Jean-Pierre Milovanoff évite le piège de l’excès qu’on trouve souvent dans les romans consacrés à la folie et offre ici un texte tout en retenue. Le roman offre aussi un beau portrait d’une famille de Russes Blancs. Bref un livre à la facture classique qui séduit par sa tendresse, par sa fragilité et par sa beauté.

ITSIK, Pascal Roze, Stock

Itsik est un roman assez court, doté d’une grande force puisqu’en cent vingt pages il dit l’essentiel. L’histoire est celle d’Itsik (le diminutif de Yitzhak), un juif polonais qui est né en 1904 à Varsovie et qui jeune adulte s’exile à Berlin pour gagner sa vie. En 1925, il rallie Paris où il crée avec sa femme un atelier de tricot. Pour eux, tout va plutôt bien : ils ne sont pas très riches mais leur commerce fonctionne et ils ont deux beaux enfants. Seulement voilà, la grande histoire rejoint la petite histoire et en mai 1941 Itsik est emmené comme beaucoup d’autres à Pithiviers dans un camp d’internement, et en 42 il est embarqué dans un train pour Auschwitz d’où il ne reviendra pas. Le roman de Pascal Roze a le grand mérite de résumer à lui seul beaucoup d’autres livres sur les déportations de la deuxième guerre mondiale, avec en prime une pudeur et une sobriété vraiment émouvantes. Il met en outre en évidence l’hésitation constante du personnage sur les choix à faire : Itsik a mis toutes ses économies dans sa petite entreprise, il a des voisins sympas, il se dit que tout s’arrangera…

OÙ ON VA, PAPA ? Jean-Louis Fournier, Stock (collection bleue)

Jean-Louis Fournier a reçu cette année le Prix Femina pour son récit autobiographique Où on va papa, et c’est vraiment mérité. Jean-Louis Fournier nous livre son histoire, ou plutôt l’histoire de ses deux fils handicapés moteurs et mentaux. Il parle de leur naissance, de leur évolution, ou plutôt de leur non évolution puisque ses deux enfants sont atteints d’un handicap vraiment très sévère. Et il prend le parti de dire les choses sans complaisance avec un humour noir complètement décapant. Il y a donc un côté sarcastique et terrible dans la façon dont il décrit ses fils, dans la façon dont il se moque d’eux, dans la façon dont il regrette leur anormalité. Jean-Louis Fournier dénonce aussi le regard des autres, ce regard insupportable de compassion et parfois blessant de maladresse. Le lecteur n’est pas ménagé et pourtant on rit beaucoup.

TRIPTIQUE DE L'ONGLE, Bernard Comment, Joca Seria


Voici un autre ovni cette année ! Avant toutes choses, Le triptyque de l’ongle est un très bel objet: jolie présentation, belles illustrations (qu’on doit à l’artiste Groune de Chouque, ça ne s’invente pas…), belle qualité de papier. Le triptyque de l’ongle nous plonge dans une galerie d’art où sont exposées des sculptures vivantes. Qui ne sont autres que des chômeurs en fin de droit à qui l’artiste conceptuel a demandé de poser après leur avoir écrasé les ongles avec un maillet…
Ce petit volume se lit d’une traite et est pour le moins original : sans avoir l’air d’y toucher, le livre met le doigt sur les dérapages de l’art contemporain et sur les dérives d’une société qui prêterait ses chômeurs pour le bien de l’art. Des choses politiquement incorrectes qui sont ici banalisées et qui du coup deviennent tout à fait grinçantes. Et puis ce triptyque permet de confronter trois points de vue qui fonctionnent en écho, ce qui donne une épaisseur amusante au propos.

SYNGUE SABOUR, PIERRE DE PATIENCE, Atiq Rahimi, P.O.L


Prix Goncourt 2008, Syngué Sabour, pierre de patience est un bon cru. S’il est résumable en quelques phrases, il résonne longtemps après qu’on l’ait lu… Il est question d’une Afghane qui veille son mari moudjahid. Il se meurt d’une balle qu’il a reçue au combat. Elle le soigne en silence. Petit à petit, devant son inertie, elle va déverser ce qu’elle a sur le cœur. Un peu comme dans la tradition perse on parle à la « pierre de patience » (d’où le titre). Elle se confie, se plaint, raconte sa souffrance, critique la barbarie des hommes. Elle peut enfin parler, se libérer de tout ce qui lui pèse. Au travers de l’héroïne, le livre pose bien sûr la question de la condition des femmes en Afghanistan et souligne, s’il le fallait encore, l’horreur des guerres et du fanatisme religieux. Atiq Rahimi réduit le décor à néant : seule compte cette confession, sorte de psychanalyse. C’est un roman d’une grande force, le style est sobre et ramassé, ce qui rend les choses encore plus bouleversantes.

QUI COMME ULYSSE, Georges Flipo, Anne Carrière


Georges Flipo nous revient cette année avec un recueil de nouvelles parfaitement équilibré. L’auteur fait preuve d’une belle sensibilité qui rend l’ensemble très juste, très fin et qui fait tout le charme de ce recueil. Pour ceux qui aiment les histoires courtes, n’hésitez pas un instant, vous ne serez pas déçu.

Du côté des romans belges... PERILS EN CE ROYAUME, Alain Berenboom, Pascuito


Titre ô combien d’actualité en ces temps mouvementés. Alain Berenboom revient en force cette année avec un agréable roman, une sorte de polar loufoque et vivant. Il est question d’un détective pas bien brillant, Michel Van Loo qui va devoir en ce début d’année 1947 dénouer deux affaires. Ses recherches le mènent un peu partout dans Bruxelles : du cimetière d’Ixelles à la Place des Bienfaiteurs, des galeries Saint Hubert à la Place de Brouckère. Il côtoie les troquets animés où pour ne pas manquer de lucidité il s’abreuve de gueuzes grenadine. Au-delà des clins d’œil qu’il fait à sa ville, on sent l’auteur très documenté sur cette période de l’histoire de notre pays.

Prix Rossel 2008: LE VOYAGE DE LUCA, Jean-Luc Outers, Actes Sud


Jean-Luc Outers, un de nos auteurs belges, a déjà publié de nombreux romans dont Corps de métier pour lequel il avait reçu le Prix Rossel en 93. Il nous revient avec une sorte de road-movie au pays de l’oncle Sam : le voyage est entrepris par Julie et Marian, les parents de Luca, qui malgré son très jeune âge est lui aussi du voyage. C’est une histoire familiale plutôt attendrissante qui nous entraîne en Amérique du Nord. Le ton un brin nostalgique a son charme. Le roman donne en tout cas furieusement envie d’acheter une vieille camionnette et de courir l’aventure.

LE COMMANDANT BILL, Armel Job, Mijade

Armel Job dont le roman Les Fausses innocences avait enchanté de nombreux libraires en 2005 reprend la plume et nous entraîne dans une aventure plutôt poignante et aux rebondissements nombreux, au temps de la deuxième guerre mondiale. Tout se passe au cœur de l’Ardenne belge, dans le hameau de Boisferté. Par peur d’une invasion allemande, tous les villageois se réfugient dans la forêt. C’est sans compter sur la chute d’un avion de la Luftwaffe, justement dans le bois où tous se cachent. Les habitants du village recueillent le seul rescapé qu’ils soignent et gardent enfermé dans une grange. Mais l’ennemi va très vite devenir encombrant… La plume d’Armel Job est foisonnante et digne. Les choses sont dites avec simplicité et pudeur. Et puis c’est un écrivain qui sait habilement mener l’intrigue et ménager le suspense.

PETITES PRATIQUES DE LA MORT, Line Alexandre, Le Grand Miroir


Et tant qu’à parler de livres belges, nous pouvons épingler aussi la sortie d’un premier roman qui s’intitule Petites pratiques de la mort que l’on doit à Line Alexandre et qui est paru aux éditions du Grand Miroir. C’est un roman à la thématique un peu particulière puisqu’il met en scène un jeune croque-mort qui se prend d’une véritable passion pour la thanatopraxie d’êtres humains. Et il va loin puisqu’il va jusqu’à éliminer une voisine dans le seul but de rendre son corps éternel… Le roman est détendant : il a le mérite d’être très vif dans sa facture (le rythme est vraiment entraînant) et les personnages sont plutôt cocasses…

LES PHILO-FABLES, Michel Piquemal, Albin Michel


Déjà publiées il y a quelques années, les Philo-fables de Michel Piquemal sortent en poche chez Albin Michel. Il s’agit d’un recueil de 60 contes, fables et paraboles du monde entier. Les textes sont tout à fait accessibles aux jeunes sans être ennuyeuses pour les adultes : tout le monde y trouve son compte, ce qui est finalement assez rare. Les thématiques sont très variées et les sources diverses ce qui permet de se frotter à l’hindouisme, au soufisme, au bouddhisme et aux grands penseurs gréco-latins. En outre il y a un petit côté ludique qui est d’autant plus agréable qu’on aborde des questions difficiles et sérieuses comme le sens de la vie, de la mort ou du détachement des choses matérielles. Le livre est certainement une bonne base pour discuter avec des enfants ou des ados. A ce titre-là, c’est un ouvrage de référence à avoir chez soi...

Du côté des bandes dessinées... L’ELEPHANT, Isabelle Pralong, Vertige Graphic


Illustratrice suisse, Isabelle Pralong a réalisé un album vraiment intéressant. Au départ, le dessin peut troubler : le sens de la perspective est complètement bafoué, les têtes sont trop grandes pour les corps, le tout a un côté chaotique, on est très loin de la ligne claire bien connue. Mais très vite, ce dessin « remue-ménage » séduit. Et puis au-delà de l’aspect stylistique, l’histoire fonctionne très bien, dans la gravité comme dans la drôlerie. L’héroïne reçoit un appel d’un hôpital qui lui annonce que son père est dans le coma. Or son père, elle ne le connaît pas, elle ne l’a jamais vu. Comment accepter cette soudaine irruption ? Isabelle Pralong parvient à rendre cette histoire improbable très touchante, et les personnages parfaitement crédibles. Le charme opère !

LE JARDIN DES GLACES, Servais, Aire libre, Dupuis


Jean-Claude Servais, le bédéiste belge bien connu (auteur notamment de La Belle Coquetière et de Tendre Violette), nous revient en force avec sa dernière création intitulée Le Jardin des glaces qui présente une thématique très actuelle puisqu’il est question en filigrane du réchauffement climatique. C’est l’histoire d’un explorateur à la retraite, un certain Arnold Francart, qui a parcouru l’Arctique et l’Antarctique lors de grandes expéditions. Et qui vit désormais retiré du monde, au cœur de l’Ardenne belge, dans un magnifique jardin qu’il entretient minutieusement. Un vieux bougon sans histoire semble-t-il, sauf que… Sauf qu’une jeune étudiante un peu trop curieuse va mettre son nez dans des affaires finalement pas très nettes. C’est une bande dessinée remarquable, tout d’abord parce que l’histoire est bien menée, il y a une très belle structure basée sur des allers-retours entre le présent et le passé. Ensuite les dessins sont absolument splendides : c’est du tout beau travail graphique. Servais s’est d’ailleurs inspiré d’un jardin qui existe bel et bien : il nous fait passer de la banquise glacée au chatoiement d’un jardin d’été. Une pure merveille.