28 mai 2010

Grâce et dénuement

Je m’en voudrais de ne pas vous signaler la sortie en poche (Espace Nord) du roman d’Armel Job, Le Conseiller du roi, paru en 2003 chez Robert Laffont. On connaît Armel Job pour sa plume alerte et impertinente, toujours prompte à relever les bassesses humaines, les mesquineries du quotidien comme, à contrario, les moments de grâce d’une humanité jamais très éloignée de la rédemption.
Armel Job est un romancier d’une rare intelligence, il a déjà acquis à sa cause un public d'irréductibles fans (dont votre serviteur...) qui verront dans ce roman un véritable petit chef-d’œuvre. L’auteur situe l’action de son intrigue en pleine question royale. Le roi Léopold III toujours exilé en Allemagne - nous sommes en 1950 - peut enfin revenir en Belgique suite au referendum qui le réhabilite de justesse (à 57 % des voix). Mais les manifestations populaires vont bon train et le roi se voit obligé d’abdiquer et de laisser la place à son fils Baudouin. Le Conseiller du roi – une fiction, doit-on le préciser - se concentre sur la personne d'Henri Gansberg van der Noot, l’aide de camp du souverain, qui est pris dans la tourmente politique mais aussi dans une tourmente sentimentale.
Doté d’une écriture élégante et d’un humour titilleur, Le Conseiller du roi est un condensé de tendresse et de spiritualité, de chaleur et de suavité… n’est-ce pas là la définition même de la grâce ?

Le Conseiller du roi, Armel Job, Espace Nord, 305p.

17 mai 2010

Un monde onirique: Le Diable amoureux et autres films jamais tournés par Méliès



Approchez mesdames et messieurs, le spectacle va bientôt commencer ! Au programme une suite de sept histoires fantasmagoriques et surprenantes. Un univers d'effets spéciaux en carton-pâte, de fantaisie et de mystère. C’est signé Vehlmann et Duchazeau, et vous en redemanderez !


Voici un album surprenant qui met en scène sept histoires qu’AURAIT PU imaginer Méliès. Faut oser ! Et ça marche. Nous sommes en 1928 à Paris, Georges Méliès raconte à un jeune poète, Jacques Prévert, ses débuts dans le cinéma, l'influence des travaux des frères Lumière, sa volonté farouche d'aller plus loin en filmant l’extraordinaire plutôt que la banalité du réel. Il parle du rôle joué dans son oeuvre par les trucages de l’illusionniste Houdini. Il raconte ses expériences mais on est loin d’une biographie. Les auteurs ont préféré se concentrer sur des scenarii que Méliès aurait pu filmer. On se délecte de ces histoires dinguo-poétiques dans lesquels grouillent automates, trapézistes et autres haltérophiles amoureux. Frantz Duchazeau a recourt à un crayonné noir et blanc adroit et expressif. Scénariste et dessinateur réussissent donc d’une seule voix à exhumer l’univers enchanté de Georges Méliès par le truchement de ces sept fables drolatiques. Quelques titres pour vous donner l’eau à la bouche : "Un fantôme sur la lune", "La Nécropole mécanique", "Le diable amoureux" ou encore "Les féeries récalcitrantes".

Le Diable amoureux et autres films jamais tournés par Méliès, Vehlmann et Duchazeau, Dargaud, 84 pages.

6 mai 2010

Une reine de beauté

Hortense Dufour nous a habitués à d’attachantes biographies (sur la Comtesse de Ségur ou sur Marie-Antoinette). Elle nous plonge cette fois au cœur de la Renaissance, au milieu des sanglants conflits qui décimèrent catholiques et protestants, en s’attachant plus particulièrement à la figure de Marguerite de Valois, la fameuse reine Margot. À l’âge de 19 ans, après une tumultueuse passion pour le Duc Henri de Guise, Marguerite – princesse catholique - est mariée par sa mère Catherine de Médicis à un prince protestant, Henri de Navarre, le futur Henri IV.
Sous la plume flamboyante d’Hortense Dufour, c’est toute la France religieuse qui défile sous nos yeux éblouis (et terrifiés par une époque aussi meurtrière). Ce sont également les Valois que nous regardons évoluer, cette famille de dégénérés : Charles IX roi falot, violent et déséquilibré qui fut l’un des responsables de la Saint-Barthélemy, Henri II incestueux et manipulateur, Hercule-François duc d’Alençon et d’Anjou, bossu et rachitique. Seule de cette famille de tarés émerge une reine de beauté, intelligente, solide et aimante, Marguerite.
S’il ne fallait retenir qu’une des cent qualités du livre d’Hortense Dufour, ce serait sans doute le spectre d’années très large qu’il recouvre : contrairement au film de Patrice Chéreau La Reine Margot (avec Isabelle Adjani, Daniel Auteuil et Jean-Hugues Anglade) qui se focalisait sur quelques jours de la vie de Marguerite, le livre parcourt une existence entière : de l’enfance à la mort. Dans cette vie, la mère, Catherine de Médicis, a une place prépondérante. Dufour nous donne donc à lire les destinées passionnantes de deux femmes très différentes, la mère et la fille... deux biographies en une…

Margot, la reine rebelle, les épreuves et les jours, Hortense Dufour, Flammarion, 568 pages